2- INTERPRETATIONS & COMMENTAIRES
Jardiner c'était mieux avant 2
juillet 2025
Août 2025
"le jardinier Georges Seurat"
Interprétations & commentaires.
Ces pages reproduisent in extenso,
les réponses et commentaires rédigés à la suite de la lecture du plaidoyer de Roland Jancel.
Sur 40 demandes je n’ai reçu que 23 réponses…
Chaque texte est précédé d’une petite présentation de son auteur.
Tous sont de près ou de loin concernés et intéressés par le monde végétal et l’art des jardins,
pour certains c'est leurs métiers, pour d’autres un loisir mais pour tous une passion.
Le plus jeune n’a que 23 ans et, le plus âgés est retraité depuis bien longtemps.
Chaque semaine je rajouterai un ou deux nouveaux commentaires .
Antoine BREUVART
- Pépiniériste à Ramecourt 62, spécialisé dans les plantes vivaces.
- A travaillé au jardin d’essais de l’Ami des Jardin ainsi qu’au Clos du Coudray
- Obtenteur de nouvelles variétés d’agapanthes, de crocosmias, de bégonias…
- Formateur au centre de formations du Domaine de Chaumont sur Loire
« Je comprends le contenu du message mais je n'adhère pas à la forme.
C'est vrai que la connaissance du monde végétal paraît de plus en plus limitée ou rare,
certaines compétences horticoles semblent disparaître.
On peut regretter le jardinier d'avant mais ça ne sert pas à grand-chose,
je préfère m'interroger sur le jardinier de demain.
Les "tour de main" ou prouesses techniques pour de magnifiques cascades de chrysanthèmes
ou œuvres en mosaïcultures risques de tomber dans l'oubli ou pas...
Les stars des nouveaux maraîchers se revendiquent des maraîchers de Paris du 18 -ème siècle
et les nouvelles générations inventent un avenir en s'inspirant des précédentes.
La chute de la biodiversité et le changement climatique sont là,
il n'y a plus de débats et le temps presse,
maintenant il faut en tenir compte pour inventer les jardins de demain et ceux qui vont s'en occuper.
Les plans et projets d'urbanisme de villes du futur sont souvent très verts
et parfois avec des situations où l'on se demande bien comment des plantes
vont pouvoir se développer aussi en hauteur ou avec si peu de terre.
Les jeunes et parfois moins jeunes choisissent de plus en plus des métiers
qui ont du sens et dans un monde où la température va monter d'au moins 2 degrés
avec plus de 7 milliards d'individus concentrés pour la plupart dans des villes,
il faudrait revaloriser le métier de jardinier.
Le nouveau jardinier n'est plus simplement là pour entretenir un fleurissement,
les espaces verts ne sont plus simplement là pour décorer,
ils remplissent de multiples services,
ils permettent de favoriser la biodiversité,
l'infiltration des eaux pluviales,
de réduire les îlots de chaleur,
ils sont source de bien être,
ils captent le CO2, filtrent l'air...
Le nouveau jardinier doit connaître et comprendre le vivant,
utiliser toute la palette végétale, des plantes sauvages au plantes horticoles,
choisir les plantes adaptées à chaque situation nécessitant ensuite le moins d'intervention possible.
Là où on entretenait des hectares de pelouse interdite bien rase,
viendront peut-être des légumes, des fruits, de la prairie fleurie ou de l'éco-pâturage.
Je suis plus souvent choqué par le manque de respect du vivant de certains "jardinier"
qui appliquent des méthodes qui ne sont plus adaptées si elles l'ont été un jour.
En somme, oui le jardinier de demain doit s'inspirer des savoirs anciens
mais il doit aussi s'affranchir des erreurs du passé et actuelles ».
Antoine BREUVART
Pierre DIDIERJEAN
- Président de la Société Centrale d'Horticulture de Nancy
- Ancien directeur de la Direction Ecologie et Nature (retraité depuis 2024)
- 4 Fleurs, Fleur d’or, Médaille d’or de l’Entente Florale
- Créateur du jardin éphémère "Le Jardin sur la Place"
Le jardinier responsable
Pour apporter un éclairage sur ce texte engagé et parfois polémique, il est nécessaire de le contextualiser.
A cette époque, le fleurissement d'une ville tenait une place essentielle et son entretien ne souffrait aucun écart.
L'esthétique primant sur tout autre aspect,
il était d'usage, pour tout bon jardinier qui se respectait, de maîtriser l'usage des produits phytosanitaires.
Que ce soit au cours de sa formation professionnelle, dans son quotidien,
dans la presse professionnelle qu'il lisait, il y était invité en permanence.
Ces méthodes était "LA" solution idéale et son efficacité était "prouvée".
Lors qu'était (rarement) abordé l'abandon pur et simple de ces substances chimiques,
les alternatives supposaient pour ce même jardinier un changement radical de pratiques.
Le professionnel s'interrogeait, souvent seul face à des choix cornéliens.
Comment entretenir au naturel, éradiquer ou maîtriser les adventices,
les envahissantes et certains insectes amateurs de végétaux particulièrement voraces ?
La peur de se tromper était amplifiée par des angoisses du public souvent irraisonnées.
Les espaces verts allaient devenir des friches, des lieux délaissés où l'homme se sentirait mal à l'aise,
en rupture avec un cadre de vie agréable et organisé pour lui.
Le métier de jardinier, déjà peu valorisé, serait mis à mal. Personne ne voudrait alors le pratiquer.
faut rappeler que les jardiniers étaient souvent dénommés "agents d’entretien de l’environnement".
Ce qui dénote que la société leur déniait toute possibilité d'imagination,
de créativité et de sensibilité à l'écologie. Ils "entretenaient" et c'était bien là leur seule mission.
Heureusement, plus de trente ans plus tard, le savoir-faire est mieux reconnu :
le jardinier, parfois devancé par le jeune écologue au savoir prétendument plus vaste mais souvent très théorique,
a pour belle mission d'observer et de travailler avec le vivant.
Il n'est plus en opposition avec son rythme propre, ses logiques immuables.
Il trouve alors des solutions innovantes et permet aux citoyens des villes et des villages
de vivre dans un environnement qui combine harmonieusement écologie et esthétique.
Même si cette reconnaissance du métier a évolué,
le jardinier doit s’adapter et se renouveler sans cesse.
Confronté aux nombreux défis du dérèglement climatique,
il expérimente de nouvelles techniques d’entretien.
Mais il se doit aussi d'être un médiateur, un passeur.
Son rôle pédagogique est essentiel pour préserver les espaces de nature,
rendre intelligibles ces nouvelles méthodes respectueuses du vivant.
Un terme comme celui d'écosystème s'explique, il n'est pas "évident" comme beaucoup le laissent à penser.
La sensibilisation de tous les publics, du plus jeune au plus ancien apprenti jardinier, est indispensable.
Cela se pratique au quotidien, dans les espaces de nature mais aussi via l’organisation de fêtes des plantes,
lors d'ateliers de jardinage improvisés, d'éco-ateliers, avec la création de jardins éphémères
ou de festivals dédiés à l'arbre, comme c'est le cas à Nancy.
Cette évolution, cette mutation même, fait du métier de jardinier un emploi d'avenir.
En exprimant pleinement sa passion, son grand respect du monde végétal,
le "Pro" aura alors la satisfaction de voir son action démultipliée dans les jardins de particuliers.
Grâce à cette collaboration, le vivant pourra peut- être sortir d'une dangereuse spirale de déclin.
La responsabilité se révèle donc immense.
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Pierre DIDIERJEAN
Nancy , Jardin éphémère 2022 "Le feu effleure"
Christophe Mallemouche
- Jardinier concepteur
- Créateur du Jardin de Mon Oncle d’après le film de Jacques Tati au Festival des Jardins de Chaumont sur Loire 2000
- A travaillé au Pôle Nature Cité Jardins de la ville de Cahors
- Cadre pédagogique horticole Tutos’Me et CNFPT
- Fou de jardins
« OU EST PASSE LE JARDINIER, EST-CE QU'IL DORT ? »
Je me souviendrais toute ma vie de ces paroles
qui m'avaient été dites par mon premier professeur d'horticulture générale, début 80, à Objat
(Il avait été formé à l'école de Versailles) :
« Travaillez, vous aurez le pouvoir ».
Il m’avait dès la première heure de cours,
installé dans cette fierté que j’aurais à faire ce métier,
grâce à ses cours sur l'histoire de l'Art du Jardin.
Nous n’avons jamais eu ce pouvoir, et nous en avons même, été totalement dépossédés. Mais il est peut-être temps de faire autre chose.
J’ai passé ma vie à espérer pour mon métier et félicité tous ceux qui s’intéressaient à lui
(Sans en espérer pour moi, mais n’est-il pas là, le problème).
Heureusement, Dieu est sympa,
car il affirme dans la Genèse, qu’il est Jardinier (Comme moi).
Mais dites-donc, sans le travail de la terre,
supporteriez-vous la religion ou la politique,
si ce n’est la différenciation et la stigmatisation parce que vous êtes un Technique ou un « Vert ».
Je vous propose ma propre religion, celle des Jardiniers, celle que vous avez peut-être oublié.
Plutôt que de se battre,
afin de savoir si le massif doit être en bleu ou rouge, en vivaces ou annuelles,
de savoir qui va être le plus beau et le plus fort,
Charlélie Couture, dans l’une de ses chansons de 1994, dans l'album « Les naïves »,
décrie assez bien tout ce que sommes, et tout ce qui reste à faire pour sauver ce monde, malgré tout :
« Quand les feuilles tombaient, le jardinier les remontait,
Quand les feuilles s'envolaient, je jardinier les recollait,
Ou est passé le jardinier,
est-ce qu'il dort pour oublier, Ou est passé le jardinier, est-ce qu'il dort »...
Ce métier du futur est pour moi, un Art majeur, une attitude,
une manière de se comporter dans la vie,
une conviction profonde.
Alors, j'ai entendu, un jour, quelqu'un, beaucoup plus célèbre que moi,
affirmé qu'au regard de cet instant, il lui était préférable, de dessiner des jardins.
Moi, je pense qu'il est grand temps de se réveiller, comme le jardinier de Charlélie Couture.
Christophe MALLEMOUCHE
Jardin de "Mon Oncle" , Festival des Jardins de Chaumont sur Loire 2000
Nicole MARILLIER
- Jardinière amateure émérite
- Passionnée de plantes
- Spécialiste des plantes vivaces
- Ancienne conseillère municipale en charge des espaces verts
On m’a demandé de commenter le texte de Roland Jancel,
qui a exprimé ses inquiétudes à propos des jardiniers de nos villes et villages.
Voilà quelques réflexions d’une jardinière du dimanche qui adore les plantes et la nature,
qui a appris des choses à droite à gauche et souvent de gens « savants »,
et qui s’est un peu frottée au travail des jardiniers municipaux à un moment.
« Un Service Public se doit de satisfaire en priorité les attentes de ses mandants ».
C’est une certitude !
Mais. Que sont ces attentes ?
Nous avons bien sûr tendance à demander ce que nous connaissons,
encore plus dans le domaine végétal, peu connu en général.
Nous avons une longue tradition française de jardiniers bien formés et créateurs pour certains,
et notre regard est donc habitué à une certaine forme de décoration végétale,
sans parler des grands jardins des palais historiques et des grandes maisons.
Les propositions nouvelles qui se font jour depuis quelques années
viennent de plusieurs pays dont les horticulteurs et les jardiniers
ont tourné leur curiosité vers de nouvelles façons de faire et de nouveaux végétaux,
et ceci pour des raisons diverses.
Et ces nouveautés surprennent, heurtent parfois,
surtout quand leur utilisation est menée à son extrême, prairie ou taillis d’aspect désordonné.
Nos jardiniers ont donc une nouvelle mission,
qui est d’expliquer, de présenter les nouveaux végétaux, les nouvelles associations, les nouvelles pratiques.
Attirer l’attention d’un habitant sur la beauté d’un mélange de feuillages divers
qui se complètent et se mettent mutuellement en valeur
alors que l’interlocuteur râle à propos de l’absence de fleurs,
expliquer la raison du paillage et du choix de telle plante plutôt que telle autre,
faire remarquer qu’une plate-bande est ainsi conçue qu’elle va proposer quelque chose à regarder 12 mois sur 12 ….
Nos jardiniers sont les mieux placés pour cette pédagogie au long cours,
d’autant mieux placés qu’ils auront dû se former eux-mêmes à toutes ces nouveautés !
Cette formation est venue compléter celle, plus traditionnelle, qu’ils ont dû suivre.
Dans le principe, on ne voit donc pas en quoi les nouvelles pratiques
seraient un appauvrissement des connaissances et des capacités de la corporation.
Evolution de la périodicité des travaux
(réduction importante de l’utilisation d’annuelles et donc du sacrosaint renouvellement bi annuel des plates-bandes , entretien différencié des surfaces d’herbe, utilisation de bulbes se naturalisant , pour ne citer que trois exemples) ,
attention accrue portée aux communautés de plantes qui se relayent sans intervention de plantation
dans le cours de la saison , travail d’entretien nécessitant une bonne connaissance des végétaux
( je pense aux semis spontanés rencontrés lors du désherbage
et qu’il faut savoir reconnaitre et dont on doit estimer le maintien ou l’élimination ) ,
tous ces points et d’autres , s’ajoutent à la formation de base des techniques issues de notre histoire horticole et jardinière . C’est donc, dans le principe, un enrichissement !
Alors …. Qui viendrait donc mettre nos jardiniers en danger de disparition ?
Le budget.
Le budget, vous dis-je, le budget ! et accessoirement ….
Une certaine ignorance de ceux qui le décident ….
Certains de ces décideurs, voyant arriver l’enthousiasmante vague des vivaces
qu’on ne remplace plus parce qu’elles vivent longtemps,
des prairies fauchées au plus deux fois l’an pour nourrir les insectes et protéger la sauvagine, des buissons s‘étalant joyeusement sur des talus qu’on n’a plus à nettoyer, ont pensé « économies » !
S’il est normal que les responsables d’un budget soient attentifs
à la meilleure utilisation possible des deniers du contribuable,
encore faut-il que ce soit fait en connaissance de cause et en maitrisant le sujet ….
Tout en faisant confiance aux acteurs de ce sujet, en l’occurrence les Jardiniers !
Or, dès avant la « Nouvelle Vague » végétale,
on avait commencé à considérer le budget des Espaces Verts comme une variable d’ajustement.
En premier lieu par le manque de formation de base d’une partie des équipes
(que ce soit à l‘embauche ou par le transfert d’une personne depuis un autre service pour une raison de réorganisation).
Puis le manque de formation durant la carrière.
Puis on a réduit les effectifs, considérant qu’il y aurait moins de travail,
alors qu’il en a autant mais réparti différemment,
et qu’il est de plus en plus demandé aux jardiniers !
Puis … on a la plupart du temps renoncé à la production sur site
(et donc au savoir-faire, et à la possibilité, pour des jardiniers curieux,
d’introduire des plantes inhabituelles qu’on ne trouvera pas proposée par les fournisseurs).
Au passage, je soulignerai un détail qui, quand même, a son importance,
c’est la réduction du nombre de fournisseurs que réclame la comptabilité.
Réduction de fournisseurs = réduction de l’offre ….
Alors …. Oui, le jardinier de ville est en danger.
Pas partout, heureusement !
je connais quelques communes, pas très loin de chez moi,
où les équipes sont cohérentes, connaisseuses, au contact des habitants,
toujours prêts à discuter, expliquer, présenter, susciter l’enthousiasme.
Il n’est pas directement mis en danger par les nouvelles pratiques et les nouveaux végétaux,
mais bien par l’évolution simplifiant de sa formation,
et le manque de conscience de son réel intérêt aux yeux de certains responsables.
Après tout, ce ne sont jamais que des histoires de fleu-fleurs, diront certains …. Et pourtant !
Nicole MARILLIER
Harrogate 2007
Mickael CHARNET
- Responsable parc et pistes
- Hippodrome de VICHY-BELLERIVE
- Jury régional des Villes et Villages fleuris
- Passionné de jardins
Jardiner, c’était mieux avant ?
Oui, beaucoup plus de passionnés capables de transmettre leur savoir, leur valeur, leur passion.
Jardiner, c’était mieux avant ?
Oui, le végétal était respecté, considéré.
Jardiner, c’était mieux avant ?
Oui, le maître jardinier était considéré pour son savoir-faire, savoir-être.
Il était écouté telle une source d’inspiration et d’enseignement.
Trois points essentiels parmi tant d’autre, me permettant de dire que le jardinage, c’était mieux avant.
Pour jardiner et être jardinier, la passion est la première qualité.
Le jardinage, c’est l’art et le métier du jardinier.
Cette définition regroupe les qualifications du jardinier.
Être jardinier, c’est l’art de conjuguer le végétal et un lieu pour donner du plaisir visuel, quotidien autour de lui.
Être jardinier, c’est un métier, un savoir-faire relevant de connaissances agronomiques,
végétales, structurelles, paysagères et nourricières.
C’est un métier de soin et d’écoute.
Un métier, où le végétal est la pièce principale avec laquelle il faut être patient, juste et tolérant.
Le plaisir, de la lumière dans un feuillage, du parfum qui émane d’un massif,
du bruit des feuilles au vent, du goût des fruits, du toucher du velours des feuilles.
Ces cinq sens donnent toute sa valeur de ce métier.
Aujourd’hui,
on tond pour tondre, sans se retourner,
on taille pour tailler, rond, carré sans se soucier de la biologie de la plante.
On abat des arbres parce qu’ils produisent des feuilles,
on minéralise les surfaces…
On forme nos successeurs au beau mais sans âme…
Autant de termes qualificatifs
(îlot de fraicheur, sonde hydro, mouillant, hydro-rétenteur, biostimulant…)
pouvant donner une valeur et la qualification de « technicien ».
Pourtant, « le jardinier » d’antan n’avait pas besoin de tous ces éléments pour conduire,
créer et entretenir ces espaces naturels.
Aujourd’hui, on pense et on souhaite tout maitriser, alors que la nature est non maitrisable.
Le jardinier est un simple chef d’orchestre jouant avec celle-ci.
Michael CHARNET
Hippodrome de Vichy-Bellerive
A SUIVRE ...
Date de dernière mise à jour : 2025-08-07
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