EVOLUTION DES SERVICES ESPACES VERTS
Jardiner c'était mieux avant 3
JUILLET 2025
Jardinier Paul Cézanne
Changements et évolutions des Espaces Verts
Parc du Goualoup Chaumont sur Loire
Présentation :
Rien n'est figé dans la vie, tout est en évolution, en révolution, en éternelle transformation.
Que de changement en plus de 40 ans.
Avant d’entrer dans le vif du sujet
et de détailler les avancés et les reculs du temps sur nos pratiques horticoles,
je crois utile de poser le cadre et de s’attacher à présenter les évènements, manifestations,
ou tendances qui ont modifié par leurs créations ou leurs évolutions, la mutation du métier de jardinier.
Et pour commencer l’évolution des services Espaces Verts dans les collectivités.
Bailleul, 59
Evolution des services Espaces Verts des villes :
Un peu d’histoire :
En 1855, Jean Pierre Barillet-Deschamps, (1824-1873),
Jardinier paysagiste, Crée le « Fleuriste municipale de la Muette ».
Véritable établissement horticole chargé de la production florale pour les parcs et squares de la capitale,
ancêtre de tous les services municipaux d’aujourd’hui,
devenant ainsi le chef du premier service des « espaces verdoyants » de la capitale.
Les espaces verts avaient alors juste pour vocation, d’accompagner et d’agrémenter les villes et les villages.
Aujourd’hui les services espaces verts des collectivités offrent une multitude de portes d’entrées
toutes aussi différentes les unes que les autres pour qui sait les ouvrir.
En voici quelques clés…
Vitrine de l’horticulture :
Tout d’abord une constatation.
Les collectivités et leurs services Espaces Verts sont devenus en quelques années,
la vitrine du monde horticole.
La filière horticole de la production à la vente génère 16 244 emplois permanents
pour un chiffre d’affaires de 1.8 milliards d’euros en 2021,
qui dépend en grande partie de cette vitrine.
Ce pouvoir est immense et varié,
l’exemple le plus concret de ces dernières années est le déclin des conifères.
Les collectivités les ont abandonnés et n’en plantent plus pour différentes raisons,
(réchauffement climatique, sensibilité à certains ravageurs, mais surtout effet de mode…),
la presse horticole n’en parle plus, par voie de conséquence les particuliers n’en plantent plus,
donc on en trouve pratiquement plus dans les jardineries
mis à part des cèdres, des cyprès d’Italie, plante à la mode,
et des chamaécyparis Leylandii, véritable béton vert, utilisés pour la confection de haies,
et par effet de dominos les pépinières n’en produisent plus…
Où trouver aujourd’hui des juniperus, des Taxus, des Chamaécyparis…
aux ports, couleurs et textures toutes différents...
On retrouvera bientôt ces plantes qu’auprès de pépinières de collections ou à l’étranger.
En contrepartie, l’utilisation massive par les collectivités d’ipomée battatas, patate douce,
à feuillage décoratif pourpre, vert chartreux, caramel ou panaché…
non commercialisées leur première année d’introduction, réservées aux fleurissements des collectivités,
a entrainé une demande auprès des jardineries,
le grand public a dû patienter une année avant de pouvoir les utiliser
aujourd'hui on en voit partout.
RHS Harrogate
La redécouverte il y a quelques années des plantes vivaces,
adoptées par les services espaces verts
profitent aujourd’hui aux pépinières spécialisées, aux jardineries et aux fêtes des plantes.
Facteur d’attractivité pour les villes :
L’environnement, la qualité de vie, l’esthétisme représentent un levier crucial
pour développer l’attractivité d’une ville ou d’un village.
L’effort peut paraitre important pour certaines collectivités, mais le retour sur investissement est assuré.
Dans les années 1990, quelques municipalités, surtout en région parisienne, comme Créteil
ont fait l’effort de végétaliser, avec succès, leurs zones d’activités et leurs centres d’affaires
avant de commercialiser les terrains, se démarquant ainsi des autres villes
et créant un cadre attractif pour les futurs acquéreurs.
En 2014, le CNVVF, Conseil National des Villes et Villages Fleuris
en partenariat avec l’institut IPSOS publie une étude sur la qualité de vie
et l’attractivité touristique des Villes et des Villages Fleuris, qui démontre que :
31 % des Français accordent de l'importance à la présence de parcs et d'espaces verts aménagés ;
(“Le rôle clé du végétal dans l'amélioration ... – source Paysalia”)
24 % à la présence d'espaces boisés ;
15 % à la présence d'espaces fleuris.
Cette étude est confirmée en 2019, toujours par l’institut Ipsos,
dans le cadre du baromètre des territoires
et fait ressortir que les Français privilégient plus que jamais les villes
qui disposent d’un cadre verdoyant
offrant une qualité de vie au quotidien.
L’impact des espaces verts relève de l'impalpable,
mais on peut mesurer la hausse des prix de l'immobilier 1,3, à 1.5 %, selon « Asterès »
(cabinet de conseils dans le domaine économique),
leurs proximités entraînent, « une hausse fiscale pour les communes ».
En 2017, on estime que 128 000 habitants ont quitté Paris
pour s’installer en banlieue ou en province à la recherche d’une certaine « qualité de vie ».
Depuis, le Covid a amplifié le phénomène.
Lors du confinement on estime que 200 000 parisiens ont fui la capitale.
Pour beaucoup cette migration a suscité des envies d’évasion…
et l’immobilier s’envole les départements limitrophes.
Outils de promotion et de communication :
Les jardins bien utilisés peuvent être de formidables outils
de promotions de communications et d’images.
Giratoire Bitche 57
De nombreuses municipalités l’utilisent d’ailleurs régulièrement d'une manière ou d'une autre..
Il y a quelques années la ville de Bitche en Moselle,
souhaitait changer son image de ville de garnison, alors comment faire ?
Bitche 57
Plusieurs solutions s’offraient à elle,
soit :
Développer une politique culturelle avec une programmation de qualité,
construire des équipements adéquates, salle de spectacle, théâtre…
voire accueillir une troupe en résidence, monter un festival, organiser des concerts,
développer des spectacles de rue…
Mais mise à part un public « intellectuel » et « festif » qui en profite ?
Devenir une ville sportive,
développer des installations adéquates (stade, gymnase, piscine, dojo…),
inciter la pratique du sport sur la ville,
financer un club pour l’aider à monter en première division et faire parler de lui dans la presse,
mais toute la population n’a pas une vocation sportive.
Ou alors, et c’est la solution retenue,
s’entourer de personnes compétentes et qualifiées ,
mettre le paquet sur le fleurissement et son coté évènementiel,
être là où l’on ne vous attend pas,
être reconnu comme ville fleurie,
gagner des fleurs pour arriver au panneau 4 fleurs,
glaner différents prix :
Prix des gares fleuries, même s’il n’y avait à l’époque presque plus de train,
Prix de mise en valeur du patrimoine,
Prix coup de cœur Mon Jardin Ma Maison…
Créer un produit touristique
avec un jardin payant sur le modèle « Chaumont »
gratuit pour les habitants.
Aménager des jardins hors les murs en France et à l'étranger
(Strasbourg, Paris, Festival des jardins de Chaumont sur Loire,
Cahors, Londres, Allemagne…).
Et surtout communiquer à outrance.
Très vite la ville de Bitche est devenue La Référence
en matière de fleurissement en France et en Europe.
Ici le fleurissement profite à tous et l’image de la ville est valorisée.
Néanmoins pour durer il faut inlassablement évoluer,
proposer chaque année de nouvelles surprises, de nouveaux jardins,
continuer à étonner, surprendre et surtout fidéliser son équipe
et son personnel,
ce que la nouvelle municipalité n’a pas l’air de comprendre…
dommage... !
- Le Jardin un métier d’homme ?
Le métier a changé, changement de taille,
au grand dam de certains…, il s’est féminisé .
Autrefois, dans les années 1970,
le genre féminin n’était pratiquement pas représenté,
hormis en fleuristerie, dans les écoles d’horticulture,
certes les entreprises horticoles employaient des femmes
mais c’étaient des « petites mains »
main d’œuvre généralement sans qualification et sous-payée,
encore plus qu’aujourd’hui,
utilisée pour l’arrosage, les semis, repiquages, bouturages, la manutention et la vente…
mais pas ou peu de poste à responsabilité.
Pourtant , en France comme à l'étranger,
de trés nombreuses "jardinières" connues et reconnues :
Princesse Greta Surtza, Colette Sainte Beuve, Monique Chevry...
Gertrude Jekyll, Beth Chatto, Ellen Willmott, Hélen Dillon...
ont défendu avec brio l'image de l'horticulture.
Aujourd’hui, Les femmes sont présentes partout dans la profession,
dans les espaces verts où elles dirigent des équipes mixtes,
à la production, à la vente,
mais également et là c’est nouveau à la tête des services municipaux d’Espaces Verts
qu’elles dirigent avec brio.
Aujourd’hui de nombreuses municipalités avouent privilégier la gent féminine,
ce qui était exceptionnel il y a encore 15 à 20 ans,
pour assurer la conception des massifs floraux et même la direction des services espaces verts,
de plus en plus souvent couplé au service propreté.
Le Grand renouvellement
Dans quelques années,
la majeure partie des services espaces verts des villes auront changé de direction,
le renouvellement commencé il y a quelques années,
va se poursuivre, c’est toute une génération de jardiniers qui s’en va,
avec leurs savoirs, leurs habitudes, leurs certitudes et leurs visions du métier.
Le renouvèlement a déjà commencé dans de nombreuses villes :
Lyon, Nantes, Tours, Cabourg, Bitche, Montauban, Narbonne, Rodez, Levallois Perret,
Boulogne sur mer, Auch, Beaune, Courbevoie, Toulouse …
et d’autres devraient suivre : Reims, Montpellier, Blois, …
L’arrivée d’une nouvelle gouvernance,
certainement largement féminine, mais pas seulement,
plus jeune, plus en phase avec les problématiques de changement climatique,
plus environnementaliste, moins petites fleurs,
va inévitablement modifier l’aspect et la physionomie de nos jardins de ville.
La vitrine va changer !
ce qui va immanquablement avoir des retombées auprès du grand public,
qui trouvera assurément auprès de ces responsables une oreille bienveillante.
La loi du marché
Depuis quelques années,
les jardiniers sont bridés dans leurs délires, par la loi des marchés publics de 2015,
Cette directive permet , un libre accès à la commande publique,
tout en offrant une égalité de traitement et une transparence des procédures.
Les critères d’attribution définis par l’acheteur qui devaient mettre en avant « le mieux disant »,
se soldent malheureusement bien souvent par « le moins disant ».
Ce qui concrètement se traduit parfois par des Plantes de qualités médiocres,
des tailles non conformes , des variétés demandées pas respectées
et de nombreux remplacements dans toutes les gammes de végétaux.
Une fois la commande livrée, que faire ?
La refuser comme non conforme ?
difficile !quand le chantier est commencé
ou que la période de plantations est déjà bien avancée.
Bien souvent la collectivité accepte et le jardinier est frustré !
L’Attente des usagers :
Les envies et les besoins des usagers ont énormément évolués.
Il n’y a pas encore longtemps le public n’était qu’un spectateur passif des aménagements extérieurs,
la collectivité décidait pour le bien de tout le monde.
Aujourd’hui l’habitant veut être acteur et participer
aux différents projets de sa rue, de son quartier, de sa ville,
il veut pouvoir choisir, intervenir, donner son avis, mettre les mains dans la terre.
De très nombreuses municipalités l’ont compris
et incitent leurs concitoyens à travers des budgets et projets participatifs à devenir décideurs,
elles offrent également l’opportunité à des associations,
à des habitants, à des riverains de participer à l’amélioration et à la végétalisation de leurs rues
grâce des opérations permettant de se réapproprier l’espace public.
Pour aller plus loin encore quelques grandes villes,
suivies maintenant par des villes moyennes et même plus petites
ont mis en place des programmes incitant les habitants à s’approprier l’espace public,
Bourg en Bresse
les exemples sont nombreux à travers la France :
Végétalisons Paris avec son permis de végétaliser pour la capitale,
micro-jardins et ses jardins de rues pour Lyon,
permis de végétaliser les façades pour Nancy,
végétalise ta ville pour Grenoble,
végétalise ta rue Bourg en Bresse
Ici on sème à Clermont Ferrand...
ma rue en fleurs et ma rue est un jardin pour Nantes
avec 3000 sachets de graines distribués aux habitants depuis 2013,
Ces « permis » concernent suivant les communes différentes actions :
Plantation en pied d’arbres existants,
Plantation en pleine terre quand les trottoirs sont assez larges,
saignées sur les trottoirs,
décaissement en pied de façades,
installation de jardinières,
végétalisation des façades…
Nantes "Ma rue est un jardin"
La ville prenant en charge le retrait du bitume et la création de la fosse,
le tout accompagné de conseils, de bons d’achats ou de plantes.
Néanmoins il est à noter que depuis 2022, les choses changent.
La mairie de Paris, reconnait l’échec de son « permis de végétaliser »
qui en sept ans à plutôt dégrader l’image de la capitale au lieu de l’embellir.
« Nous allons donc mettre en place une nouvelle stratégie de végétalisation, plus ambitieuse »,
annonce Emmanuel Grégoire, l' expremier adjoint d’Anne Hidalgo, depuis on attend...
Toujours pour répondre aux demandes des habitants,
quelques collectivités ont créer au sein de leurs services espaces verts,
des cours , des écoles ou ateliers de jardinages, pour leur population :
La ville de Nancy à créer trois rendez-vous à destination des « jardiniers amateurs » :
les « Mardis aux serres » éco-ateliers ouvert à la population,
20 à 30 personnes se retrouvent chaque semaine au centre de production,
dans une grande serre préparée spécialement aménagée pour ces rendez-vous.
Les nancéiens peuvent ainsi s’initier à l’art du jardinage :
Bouturage, repiquage, rempotage, plantations de jardinières, de massifs,
pour participer au fleurissement de la cité.
Nancy, Mardis aux serres
Les « Mercredis de la Pép’ » dans le Parc de la Pépinière,
permettent d’observer la nature, les oiseaux, les plantes sauvages,
les insectes, les arbres des parcs..., de construire des nichoirs...
« Les jeudis à Godron », sont une variante « plus physique »
à destination d’un public plus masculin mais pas seulement,
proposée au printemps été au Parc Godron
(paillage, repiquages semis, palissage, nettoyages...).
D’autres villes vont même jusqu’à agrémenter ces cours par des sessions spéciales
« cuisine avec un chef cuisinier local, ou cours d'art floral avec un fleuriste,
comme autrefois Cabourg ou Cahors.
Tout ça c’est bien, mais ça c’était avant…
Depuis il y a eu le covid, les différents confinements,
et le monde s’est mis en pause déstabilisant une bonne partie des citadins.
Petit rappel:
Les trois quarts de français vivent en ville,
durant la pandémie, les gens ont ressenti un besoin de nature,
malheureusement limité en ville, aux parcs, squares et autres « jardins publics musées »
qui ont servi de « refuge ».
Les Français y ont trouvé outre le fait de pouvoir sortir,
se promener, faire de l’exercice, un bien-être pour leur santé mentale.
Ce besoin inné de nature que chacun de nous ressent s’appelle « biophilie »,
mot composé à partir de la racine grecque « bio » la vie et du suffixe « phile » qui aime.
Amour de la vie, amour de la nature.
Depuis, ceux qui le peuvent,
surtout dans l’agglomération parisienne et dans les grandes métropoles,
désertent les villes pour s’expatrier afin de se rapprocher de la nature
et vivre en harmonie avec elle.
De nombreuses municipalités,
qui dans les années 2000 ne juraient que par des « plages » en ville,
n’ont aujourd’hui que le mot « renaturation » à la bouche,
élément de langage ou « greenwashing » électoral…
D’ores et déjà de nombreuses collectivités ont décidé de modifier leur manière de travailler,
d’instaurer des fauchages tardifs en centre-ville, afin de verdir leur image,
en attendant mieux, alors qu’ils étaient, il n’y a si longtemps,
réservés aux quartiers extérieurs ou aux portes de ville.
Recrutement de nouveaux jardiniers
Actuellement le problème majeur que rencontre l'ensemble des services espaces verts
concerne le recrutement de nouveau jardiniers.
Les jeunes ne sont plus attirés par la fonction publique ,
les salaires ne sont pas motivants , les perspectives d'évolutions de carrière sont inexistants
et les taches s'apparentent plus à du "nettoyage urbain" .
Actuellement certaines collectivités se retrouvent avec 8 à 10 postes ouverts
sans espoir de recrutement,
d'autres n'hésitent pas à débaucher le personnel des villes voisines à coup de "primes ou d'avantages"
une des conséquences sera inévitablement une augmentation de la part d'externalisation
dans les collectivités.
Certaines villes, surtout en région parisienne,
ont déjà des services hybrides avec plus de 50% des prestations d'entretien effectuéees par le privé
qui lui n'a pas de problème de recrutement.
Date de dernière mise à jour : 2025-07-13
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